Je vous retrouve aujourd’hui pour un nouvel article “Making-of”. Si vous êtes déjà abonnés au blog, vous devez à présent connaître le principe. Je vous présente l’une de mes photos nature puis je vous détaille pas à pas toutes les étapes qui m’ont permis d’arriver au résultat final.
Dans les précédents articles, j’avais analysé une photo macro et une photo d’oiseau. Cette fois-ci, je vous propose l’analyse d’une photo de paysage réalisée en pose longue.
Le sujet
Quand on pense au Costa Rica, on imagine volontiers ses plages de sable fin, sa forêt tropicale humide de basse altitude ou encore sa faune exubérante. Mais le Costa Rica, c’est aussi plusieurs chaînes de montagnes dont le point culminant, le Cerro Chirripó, s’élève à 3820 mètres d’altitude !
Parmi ces montagnes, la Cordillère de Talamanca est celle qui est située la plus au sud du pays. Cette chaîne s’étire jusqu’au Panama et elle est traversée par une multitude de petites rivières qui serpentent à travers la forêt.
Le Río Savegre est l’une de ces rivières envoutantes. Il prend sa source à près de 3500 mètres d’altitude avant d’aller se jeter dans l’océan Pacifique, une quarantaine de kilomètres plus loin.
Le Río Savegre est un excellent spot pour pratiquer la photo de paysages et j’ai eu l'occasion d'y aller à plusieurs reprises pour pratiquer la pose longue. Et c’est justement ce dont je vais vous parler dans cet article !
La structure du paysage qui contient à la fois des éléments fixes (rochers, arbres) et un élément en mouvement (la rivière) en fait un sujet parfait pour réaliser des poses longues. De plus, le débit de la rivière permet d’obtenir un bon résultat assez facilement, parfois sans même avoir besoin de filtre.
J’ai choisi cet endroit car le milieu est assez ouvert, ce qui permet d’avoir une vue dégagée sur la rivière. La présence de rochers affleurants est également un atout car ils aident à structurer l’image (nous en reparlerons un peu plus bas dans l’article).
J’ai pris cette photo environ une heure avant le coucher du soleil. L’idéal est de se rendre sur les lieux en fin d’après-midi lorsque les nuages ont déjà recouvert le ciel. La couverture nuageuse permet de bénéficier d’une meilleure lumière. Plus tôt dans la journée, la présence de soleil entraîne un contraste fort entre les différentes parties du paysage et l’exposition est délicate à gérer.
Le matériel
Pour prendre cette photo, j’ai utilisé un reflex plein format, le Nikon D610. Il n’y a pas forcément besoin d’avoir ce type d’appareil pour faire des poses lentes. Néanmoins, la présence d’un grand capteur apporte un avantage car il permet de mieux gérer le bruit numérique qui a tendance à grimper lorsque le temps de pose s’allonge.
Au niveau de l’objectif, j’ai monté un zoom grand-angle, un Nikon 18-35 mm que j’ai positionné à la focale de 18 mm. Grâce à son angle de champ très ouvert, j’ai pu saisir une grande partie du paysage qui était devant moi.
Abordons maintenant la question des accessoires nécessaires pour pratiquer la pose longue. Tout d’abord, je me suis servi d’un trépied pour stabiliser mon appareil photo.
Quand on travaille avec un temps de pose lent, il est très difficile de photographier à main levée. Le moindre petit mouvement du photographe est enregistré par le capteur et on se retrouve avec une image qui manque de netteté ou qui est même carrément floue !
Pour faire de la pose longue, vous n’avez pas besoin d’avoir un trépied haut de gamme. J’ai longtemps travaillé avec un trépied d’entrée de gamme qui coûtait un centaine d’euros sans ressentir aucune limitation.
Évitez juste les modèles en plastique qui présentent deux défauts majeurs : la fragilité et le manque de stabilité. Un modèle en aluminium ou en carbone est un meilleur choix et c’est un bon investissement sur le long terme.
J’ai également positionné un filtre ND devant mon objectif. Cet accessoire est indispensable si on souhaite faire des poses longues pendant la journée. Il bloque une partie de la lumière qui rentre par l’objectif et permet de bénéficier de temps de poses plus longs. Dans ce cas précis j’ai utilisé un filtre ND64, c’est-à-dire que ce filtre me permet d’obtenir un temps de pose 64 fois plus long.
Il existe deux systèmes pour les filtres. Il y a les filtres vissants qui, comme leur nom l’indique, se vissent devant la lentille frontale de l’objectif. Et il y a les filtres encastrables que l’on insère dans un porte-filtre qui a été préalablement fixé sur l’objectif.
Pour cette photo je me suis servi d’un filtre encastrable en verre de la marque Lee Filters (le Little Stopper) avec le système de porte-filtre 100 mm. J’utilise ce système depuis plusieurs années et j’en suis très satisfait. Afin de diminuer les reflets à la surface de l’eau et du feuillage j’ai aussi installé un filtre polarisant que j’ai vissé sur le porte-filtre.
Enfin, j’ai branché une télécommande filaire sur mon appareil photo. Cet accessoire permet de déclencher à distance et d’éviter de créer des vibrations en appuyant sur le déclencheur. À défaut, il est possible d’utiliser le retardateur de l’appareil photo pour laisser un laps de temps entre la pression du doigt sur le déclencheur et le déclenchement.
Les réglages
Passons maintenant à la question des réglages. Avant toute chose, je tiens à préciser qu’il existe plusieurs méthodes pour faire des poses longues. Je vais vous indiquer comment j’ai procédé pour cette photo mais vous pouvez bien sûr l’adapter à votre sauce !
Pour ce qui est du mode d’exposition, j’ai commencé par me positionner sur le mode priorité ouverture (A ou Av). J’ai sélectionné une petite ouverture (f/16) pour avoir de la netteté sur tous les plans de l’image.
Avec cette ouverture, l’appareil m’indiquait que je devais utiliser un temps de pose de 1/15 s pour obtenir une exposition correcte de mon image. Il ne me restait alors qu’à faire un petit calcul pour savoir quel temps de pose était nécessaire avec mon filtre ND64.
En multipliant 1/15 s par 64 on obtient un temps de pose de 4 s. Avec le filtre placé devant mon objectif, j’avais donc besoin d’un temps de pose de 4 s pour réussir mon exposition. On peut faire ce calcul à la main ou se servir d’une application pour smartphone.
Après avoir calculé mon temps de pose, j’ai basculé sur le mode d’exposition manuel pour choisir moi-même le temps de pose de 4 s. Je préfère faire comme ça plutôt que de rester en mode priorité ouverture, car avec un filtre ND positionné devant l’objectif, la mesure de la lumière n’est pas toujours très précise…
Parlons maintenant d’un autre réglage important quand on fait des poses longues : la mise au point. Si vous réalisez ce type de photo, je vous conseille de faire la mise au point avant de positionner le filtre.
En effet, comme le filtre ND laisse passer peu de lumière, il est souvent difficile pour l’appareil d’effectuer la mise au point. L’autofocus ayant besoin de beaucoup de lumière pour fonctionner, il risque de patiner et/ou de faire la mise au point au mauvais endroit.
Pour faire cette pose longue, j’ai donc fait la mise au point au préalable à l’aide de l’autofocus. Puis, pour mémoriser mon réglage, j’ai débrayé l’autofocus et je suis passé en mise au point manuelle. Ainsi, ma mise au point a été conservée et lorsque j’ai appuyé sur le déclencheur pour prendre la photo, tout était déjà prêt. L’appareil n’a pas cherché à refaire la mise au point.
La composition
Quand on photographie un paysage on cherche en général à reproduire ce que nos yeux ont vu sur le terrain. Ce n’est pas toujours évident quand on débute et on peut très vite se retrouver avec des images plates et sans relief. Je vais vous décrire ce que j’ai fait pour cette photo pour vous éviter de vous retrouver dans cette situation.
Pour immerger le spectateur dans le paysage, j’ai commencé par choisir mon point de vue avec minutie. Pour cela, je me suis rapproché du centre de la rivière en marchant sur quelques grosses pierres. J’aurais pu me contenter de photographier depuis la berge mais ma photo aurait certainement eu moins d’impact.
L’une des clés pour donner une impression de profondeur est de structurer son image avec plusieurs plans. Ici, vous pouvez voir que j’ai un premier plan avec un groupe de rochers de différentes couleurs.
Le premier plan sert de point d’accroche et permet au spectateur de rentrer dans l’image. Ensuite, j’ai des plans intermédiaires avec la rivière et quelques rochers affleurants. Enfin, j’ai un arrière-plan composé avec les arbres de la forêt.
Au niveau du cadrage, je me suis appuyé sur la règle des tiers. La rivière occupe les 2/3 inférieurs du cadre tandis que la forêt occupe le tiers supérieur. C’est une composition classique mais elle a l’avantage de plutôt bien fonctionner. Ce n’est pas la peine de toujours chercher à se compliquer la vie, d’autant plus qu’avec une pose longue il y a pas mal de choses à gérer par ailleurs…
Le post-traitement
Comme d’habitude, j’ai développé mon image dans le logiciel Lightroom. Je vous mets une copie d’écran des réglages de base du logiciel pour que vous puissiez suivre plus facilement.
J’ai commencé en sélectionnant le profil colorimétrique Adobe Paysage. Ce profil permet d’obtenir en un clic des couleurs plus flatteuses et de donner du punch à l’image. Si vous développez des photos de paysages dans Lightroom, c’est un profil qu’il est intéressant d’activer.
Par temps couvert et en forêt, la lumière a tendance à être plutôt froide. Pour réchauffer les couleurs, j’ai décalé le curseur température vers la droite de 4250 K jusqu’à 5250 K. L’image présentant une légère teinte magenta, j’ai également décalé le curseur Teinte vers la gauche (de +26 à +20) pour atténuer cette teinte.
Comme souvent quand on enregistre ses photos au format RAW, l’image manquait de contraste. J’ai donc rajouté du contraste dans Lightroom en décalant le curseur vers la valeur +15.
Puis, j’ai agi spécifiquement sur certaines parties de l’image en commençant par les Hautes Lumières (-40), c’est-à-dire les zones les plus lumineuses de l’image. J’ai utilisé une valeur négative pour assombrir légèrement les zones les plus claires présentes à la surface de l’eau. Cela a notamment permis de renforcer la texture de ces zones.
Certaines parties du sous-bois étant un peu sombres, j’ai utilisé le réglage Ombres (+50) pour éclaircir ces zones. Cette valeur peut sembler élevée mais il faut savoir que Lightroom a mis en place des garde-fous pour éviter d’aller trop loin. Même avec une valeur de +50, l’effet produit sur l’image reste mesuré.
Pour donner davantage de peps à mon image, j’ai ensuite travaillé avec les curseurs de la section Présence. J’ai tiré le curseur Correction du voile jusqu’à +15. Ce réglage permet initialement de réduire le voile atmosphérique. Au moment de la prise de vue il n’y avait pas vraiment de voile atmosphérique mais je l’ai utilisé de façon détournée pour renforcer la netteté générale de ma photo.
Pour finir, j’ai ajouté de la saturation aux couleurs grâce au réglage Vibrance (+15). Ce réglage permet d’augmenter la saturation en excluant les couleurs qui sont déjà très saturées. Le feuillage des arbres présentait déjà des couleurs saturées, ce réglage m’a donc permis d’agir uniquement sur les parties du paysage qui en avaient le plus besoin.
Conclusion
Voilà, je pense avoir fait le tour de ce que je voulais vous dire sur cette photo prise en pose longue. Il y aurait bien sûr matière à creuser davantage certains points mais l’essentiel y est.
J'espère que cet article vous a donné envie de faire des poses longues et qu'il va vous aider à les réussir !